Château, Seigneurie et domaine

de Marcoux

 

Derrière le toponyme de Marcoux se profilent trois réalités. L'une, très tangible, est constituée par le « château de Marcoux ». Datant de la fin du XVe ou du début du XVIe siècle, il s'agit d'une maison forte à trois niveaux, flanquée de deux tours d'angle (dont une sert d'escalier intérieur) et associée à une « grange à tuiles » composée du logement du métayer, d'une grange, d'une étable et d'une écurie réunis en une longue bâtisse conforme au style de construction régional, le tout entourant une cour et bordé par un vaste jardin ; avec les siècles, ce schéma de base a été étendu par l'adjonction d'autres bâtiments d'exploitation et d'habitation (notamment un joignant le château et la grange).

Une autre réalité est représentée par les terres des seigneurs de Marcoux. Il s'agit, sous l'Ancien Régime, d'un ensemble foncier au statut fiscal varié : terres nobles exemptes de la taille royale à Marcoux et Merlat, ailleurs terres roturières ou « rurales » soumises à impôts. En effet le Velay est, comme tout le reste de la province de Languedoc, un pays de « taille réelle » où le statut de la terre est déterminant face à l'impôt, non celui du propriétaire. En fait, les terres des seigneurs de Marcoux forment un ensemble assez vaste et dispersé sur une grande partie des « mandements » de Montregard et du Mas de Tence au moins ; il s'organise cependant en ensembles fonciers cohérents (par le mode de gestion et la localisation) grâce à deux « domaines » (ou métairies) auxquels s'ajoutent peut-être aussi quelques « fonds séparés », loués isolément. Dans le plus ancien document disponible, daté de 1556, on voit bien que le « domaine de Marcoux » s'individualise nettement par rapport à l'ensemble situé autour de Montregard (« domaine de Meynard-Merlat »).

Enfin, il existe une troisième dimension beaucoup moins visible celle-là. En effet, la seigneurie ne se résume pas à un ou plusieurs « domaines », c'est aussi un ensemble de droits sur certaines terres (les censives) et leurs occupants : le « cens », souvent symbolique et immuable, est un « loyer fossile », qui affirme la propriété éminente du seigneur sur des terres depuis longtemps détachées de son contrôle, et dont on retrouve parfois la trace dans les quittances listées par les inventaires (à noter que le seigneur paye lui-même ce cens pour des terres dépendant d'autres seigneurs) ; les « lods et ventes » (droit de mutation) cités en association avec la « directe » sur quelques terres à l'ouest de Marcoux ; enfin, des monopoles matérialisés, dans le cas de Marcoux, par un moulin au bord du Trifoulou à quelques centaines de mètres du château. Ces droits fondent réellement la domination seigneuriale dans la société rurale, même s'ils sont parfois d'un faible rapport financier.

 

Cet ensemble de terres et de droits est passé dans les mains de diverses familles nobles entre le XVe et le début du XIXe siècle : après les Mercoux, aux origines non encore éclairées, c'est au tour d'un représentant de la noblesse d'office (de Baud, fils de greffier royal et châtelain), puis de la jeune noblesse militaire venue du notariat (de Lhermuzières), et enfin d'une famille issue de la fonction juridique, elle aussi passée par les armées, mais arrivée dans la catégorie supérieure de la « noblesse titrée » (Chave de la Chava, baron d'Ay). La seigneurie de Marcoux, « fief noble », constitue pour ces anoblis récents, issus du monde des juristes, un des instruments du « travestissement dans la catégorie des ordres [la noblesse] d'une ascension matérielle réussie » (G.Sabatier).

Au XIXe siècle, la « seigneurie » disparue, il reste le château, le moulin et le domaine agricole. Dorénavant, ce sont des membres de la « bourgeoisie rurale » qui occupent les lieux et louent les terres à des métayers. Descendant de riches et vieilles familles paysannes, qui avaient méthodiquement accru leurs possessions et profité de la Révolution pour renforcer leur influence sociale, ils ne jouissent certes plus des droits seigneuriaux, mais le moulin est toujours actif et le château reste le centre d'un vaste ensemble débordant des limites du seul « domaine de Marcoux ».

 

Ce sont ces réalités que nous essayons de suivre au cours d'environ quatre cents ans d'histoire ; évoquant, à côté des dimensions économiques et sociales, les hommes et les femmes qui y ont vécu, nous laissons cependant pour d'autres pages de ce site la présentation plus « généalogiques » des familles concernées.

 

 I AU TEMPS DES SEIGNEURS RESIDANTS ( 1500-1633)

II. L'EPOQUE DES SEIGNEURS « FORAINS » (1633-1812)

III. MARCOUX, RESIDENCE DE LA BOURGEOISIE RURALE (1812-1905)