Château, Seigneurie et domaine

de Marcoux

 

  

I AU TEMPS DES SEIGNEURS RESIDANTS ( 1500-1633)

 

Selon Jourda de Vaux, le premier seigneur de Marcoux apparaîtrait dans les documents avec Jean de Mercoux cité en 1527 (le « e » du toponyme n'a été remplacé par un « a » que vers la fin du XVIIe siècle) ; Jean est marié à Louise de Joux dont le testament date de juillet 1549. Il faut cependant noter que dans la liste des documents conservés par Gaspard de Lhermuzières, seigneur de Marcoux, on trouve aussi un testament d'un certain Guillaume de Mercoux daté de 1510. Si l'officier, chargé de rédiger cet inventaire en 1653, ne s'est pas trompé (sur la date ou le prénom), on aurait là le plus ancien seigneur connu en l'état actuel de nos recherches ; de plus une Marguerite de Marcoux est citée comme l'épouse de Christophe Moro en 1521 (une sœur de Jean ou de Guillaume ?). La plus ancienne description partielle de cette seigneurie, quant à elle, ne date que de 1556.

 

 

Situation de départ et transformations au XVIe siècle

cf.carte des biens fonciers

 

Le terrier de Montregard de 1556 cite « noble Jean Astier, écuyer, seigneur de Mercoux » où il habite, et recense une douzaine de biens que Jean « confesse tenir » du seigneur de Montregard, reconnaissance donnant lieu au versement d'un redevance globale en nature de 3 setiers de « blé » (env.5-6 qx), 2 setiers et 7 mestans d'avoine (env.5,5 qx), 1 poulet et 20 fromages. Les terres et bâtiments énumérés se concentrent pour l'essentiel dans et au voisinage de Montregard avec deux maisons à « Pailhec » (ce nom désigne la partie de Montregard située autour du prieuré à la différence de celle située autour du « Château » voisin), deux granges dont une jointe à une des maisons, quelques terres (4 dont un « garayt ») et prés ou pâtures isolés (3), des droits sur les communaux ainsi que deux tènements (terres, prés, pâturages et bois en un bloc) ; enfin un pré, totalement à l'écart mais proche du moulin de Mercoux (situé à environ 300 m au sud-est du château, sur le Trifoulou), est bordé par le chemin menant des Fayes au lieu proprement dit de Marcoux.

Cette liste ne recouvre qu'une partie des biens du seigneur de Mercoux. Ni le château ni le moulin et la plupart des terres avoisinantes ne sont inclus. De plus, Jean possède le domaine de Merlat au nord-est de Montregard, acquis fin 1555 et qui est considéré comme une dépendance du « fief et domaine noble » de Mercoux ; l'ensemble de Merlat est constitué d'une trentaine de séterées (env.30 ha) de terres, prés, pâtures et bois, mais seule une petite partie est constituée de biens nobles, peut-être 5 ou 6 hectares. En 1797 Merlat est décrit comme formé d'un bâtiment comprenant maison, grange et écurie, un jardin, quatre terres, un pâturage, un pré, deux « ballayes » et un bois. Pour ces biens nobles, le seigneur de Marcoux doit un hommage général au seigneur de Montregard.

En appliquant, avec prudence, au document de 1556 les équivalences entre mesures anciennes et actuelles on arrive à un ensemble entre 60 et 70 hectares, Merlat compris mais pas les terres nobles de Marcoux que l'on peut évaluer à une trentaine d'hectares (cf. plus loin). On peut donc miser sur un total d'à peu près 100 hectares.

 

Jean Astier a sérieusement modifié cet ensemble foncier en essayant en quelque sorte de le remembrer et de former un domaine plus cohérent centré sur le château de Marcoux, en 1556 il est en effet assez dispersé et l'importance de la zone de Montregard ne semble pas (ou plus) coïncider avec la localisation du siège de la seigneurie. Après un achat réalisé en 1566 et trois échanges en 1558, 1574 et 1577, c'est surtout la transaction du 20 octobre 1578 avec le seigneur de Montregard, Etienne Faure de Marnas, qui permet de rééquilibrer l'ensemble en récupérant un tènement de prés et pâtures (de 14 séterées), de terres et bois (12 séterées et demi, mesure de Montregard) sur le terroir de Romanet, situé « aux appartenances de Marcoux », au sud-ouest du château, et représentant en gros 20 à 25 hectares ; Jean Astier cède en contrepartie diverses parcelles à Montregard, dont une grange couverte de tuiles, deux jardins, une terre, deux prés et un pâturage (tous cités dans le terrier de 1556 isolément ou comme partie d'un tènement) ; ces terrains sont beaucoup moins étendus (autour de 8 ha) que ceux reçus, mais ils doivent sans doute avoir une plus grande valeur (notamment les bâtiments) et présentent l'avantage pour Etienne Faure de lui permettre de constituer un vaste domaine à l'ouest immédiat de Montregard (à moins que ce ne soit une manière déguisée de rembourser une dette ?).

Par cette acquisition, la seigneurie s'organise alors en deux grands ensembles : l'un au nord autour de Merlat et Montregard, l'autre au sud autour du château de Marcoux. Elle s'étend sur au moins 120 hectares, en comptant les terres de 1556 conservées, les acquisitions de Jean et le domaine de Merlat, ainsi que les 30 hectares de terres nobles à Marcoux. La liste des domaines détenus par le seigneur de Montregard en 1580 montre que ceux-ci s'arrêtent à environ un kilomètre au nord de Marcoux (à l'exception d'un domaine au sud à Chaudier), peut-être est-ce là que passe la ligne de partage entre les propriétés directes des deux seigneurs, Pailhec et Merlat constituant des sortes d'enclaves des Mercoux en zone dominée par Etienne Faure de Marnas.

On ignore à peu près tout de la façon dont ces premiers seigneurs de Marcoux ont géré leurs biens, tout au plus un document de 1611 évoque-t-il la métairie de Marcoux comme une entité bien distincte de celle de Merlat. Ont-ils vécu en permanence sur leurs terres ou dans cette maison de Montregard citée dans divers documents ? Tout ce qu'on peut dire c'est qu'ils ont fait preuve d'un souci d'efficacité et de rentabilité évident, bien loin de ces « rassembleurs de terres attrapent-tout » rencontrés en d'autres lieux du Velay.

Jean Astier a transmis tout ceci à sa fille Hélène.

 

Hélène de Mercoux épouse Fleury de Baud en 1582, fils cadet de Guillaume de Baud (greffier du baillage du Vivarais, « capitaine-châtelain » de Pailharès puis Rochebloine). Inaugurant la longue liste des châtelains ardéchois, Fleury mène une active politique d'acquisitions à l'est de Marcoux (à Salette, Changala et aux Maisonnettes acheté à Jean de Colomb) et au sud, vers Romanet, obtenu par échange de terres : ayant acheté au capitaine Vidal Masclet (grand pourfendeur de huguenots à Tence en 1574) des terres à Flourdon, au sud de Marcoux, il les échange contre d'autres vers Romanet avec Claude Servie. Il prend aussi en location un domaine d'Henri de la Tour de St Vidal, seigneur de Montvert, pour le prix de 300 écus sur 4 ans, plus tard Jean de Lhermuzières règlera 370 livres encore dues par Fleury au moment de sa mort. Il semble donc désireux de poursuivre l'œuvre de son beau-père et de laisser à ses héritiers une seigneurie particulièrement vaste et regroupée près du château. Fleury est alors appelé "Baud de Mercoux", tout comme un de ses fils, Jean (en 1634 il a même été brièvement qualifié de "seigneur de Mercoux" dans un procès contre Gaspard de Lhermuzières), puis son petit-fils François en 1702, malgré le changement de propriétaire intervenu en 1592.

Avec Fleury de Baud, Marcoux se trouve mêlé aux luttes politiques du temps : le châtelain ayant épousé la cause de la Ligue contre les rois Henri III puis Henri IV, contrairement à ses plus puissants voisins (notamment le sénéchal François Clermont de Chaste, baron de La Brosse au nord de Tence, chef du parti du roi en Velay). Ce choix marque un revirement assez radical pour le fils d'un ex-huguenot, mais s'accorde bien avec le lien qui semble exister entre lui et le frère du chef de la Ligue en Velay, le gouverneur Antoine de La Tour St Vidal. L'aventure se termine tragiquement pour le mari d'Hélène de Marcoux : il meurt au cours d'une escarmouche au printemps 1590, laissant deux fils mineurs et sans doute une puissance foncière inégalée avant les années 1860.

 

 

L'état des lieux au début du XVIIe siècle

cf.carte des biens fonciers

Après un an et demi de veuvage, où elle s'occupe seule de la seigneurie et de ses deux fils, Hélène de Mercoux épouse, en février 1592, Jean "Beaudiné" de Lhermuzières (neveu par alliance de Guillaume de Baud)."Déshérité" en 1586 au profit de son demi-frère Gaspard et ayant peu d'espoir de récupérer un jour les terres ancestrales, Jean s'installe donc à Marcoux pour y faire souche. Il ramène ce château dans le giron du camp royaliste : en effet, comme tous les Lhermuzières, il s'est mis au service de la famille de Tournon, fidèle soutien du baron de La Brosse dans la lutte contre la Ligue. Faut-il voir dans ce mariage un « acte politique » dicté par la prudence ou la pression extérieure à Hélène ? Ce motif n'est pas à écarter sachant que la sœur de Jean est devenue (sans doute quelques années plus tard) la bru d'un fidèle du sénéchal de Chaste, Jean de La Franchière, qui en décembre 1591 commandait une garnison de 40 hommes à Girodon, à « deux pas » de Marcoux au nord de Montregard, pour rassurer les royalistes de la région.

En 1611, suite à une transaction avec ses beaux-fils (Aymar, sinon Jean, devant avoir atteint sa majorité), Jean de Lhermuzières s'engage à verser une provision de 3 300 livres (réglée seulement en 1629) et à restituer les biens rassemblés par Fleury de Baud à Changala, Maisonnettes et Salette. Certains aménagements sont négociés pour les autres : les acquisitions de Romanet seront gardées en échange d'un autre ensemble foncier, tandis que le tènement des Rivaux proche (que Jean estime lié à la métairie de Marcoux et non celle des Maisonnettes) est échangé contre des terres à Cursous plus à l'ouest. Ces dernières font partie du fief d'origine des Mercoux qui y possèdent des droits seigneuriaux (lods et ventes), elles assurent peut-être la liaison avec celles de Meynard (le compoix de 1612 cite encore des « terres de la damoiselle de Mercoux » comme limites méridionales de parcelles placées au sud de Montregard). Jean laisse le soin à son fils Gaspard d'achever ces transactions entre 1636 et 1644. La seigneurie de Marcoux retrouve alors ses dimensions d'origine, renonçant à ce qui aurait pu constituer un des plus vastes ensembles fonciers de la région si le hasard d'un coup d'arquebuse (ou d'épée) n'en avait pas décidé autrement ; en revanche, la stratégie de rassemblement foncier a été maintenue.

La "liève" de 1612 ne place le seigneur de Marcoux qu'en douzième position pour les rentes en "bleds" due à Colomb, un des seigneurs de Montregard, assez loin de Marguerite de Marnas, de Jean de la Franchière, d'Aymard de Baud ou de Pierre de Lagrevol ; une fois encore, cela ne s'applique qu'à une partie de ses possessions, puisqu'il est taxé en tant que propriétaire à Montregard (Meynard). Les lièves de l'autre seigneur de Montregard, de Banne de Boissy, ne le taxe que modestement pour des biens sur le terroir de la Fayolle au nord de Merlat. Le total des rentes exigées est nettement inférieur à celui dû en 1556, ce qui indique des cessions de terres et non une baisse des rentes, celles-ci étant plus ou moins immuables. De plus, l'énumération des lieux concernés par ces rentes montre bien que les environs du château de Marcoux échappe à cette dépendance symbolique, contrairement aux sièges des autres seigneurs des environs (Girodon, Changala ou Rochedix). Une autre source fournit quelques précisions supplémentaires, il s'agit d'un extrait du "cadastre" (ou compoix) de Montregard de 1612 qui décrit une vingtaine de biens fonciers (dispersés en 73 parcelles) appartenant à Jean de Lhermuzières et à son épouse Hélène, le tout couvrant environ 80 hectares. Ce document, destiné à la fixation de l'impôt dû par les propriétaires, ne prend pas en compte les "biens nobles" exonérées de la "taille", en l'occurrence ceux du fief de Marcoux proprement dit et de son annexe de Merlat, mais il inclut les biens roturiers échappant aux droits des seigneurs de Montregard. Si l'on ajoute à ces 80 ha les terres nobles de Marcoux et Merlat, on arrive à environ 115 hectares.

cf.carte des biens fonciers

D'après le document de 1612, on note que les deux tiers de la surface sont consacrés à la culture et à la forêt (non distinguée dans la nomenclature mais rare), un tiers à l'élevage ('prés' fauchés et entretenus, 'pâturages' simples, parfois en genêts). Ce qui donne des pourcentages d'herbages plus élevés que ceux constatés par G.Sabatier dans l'Emblavès (74% champs et bois, 13% près-pâturages) et au domaine du Poux (82% et 12% respectivement). Les cultures dominent nettement en nombre de parcelles (50 sur 73 contre 12 de pâturages et 11 de près), mais pas en taille moyenne (102,7 ares contre 150 pour les pâturages et 104 pour les près). Ces tailles sont nettement supérieures, en ce qui concerne les herbages, à celles constatées dans d'autres régions du Velay, sans doute est-ce lié aux caractéristiques topographiques et climatiques de la région de Marcoux ; en revanche la moyenne est la même pour les champs labourés (103 ares en Emblavès). Derrière ces tailles moyennes se cache une assez grande dispersion des superficies réelles : cela varie de 6 à 486 ares pour les champs, de 18 à 389 pour les pâturages et de 24 à 292 pour les prés. Les terrains d'élevage sont rarement minuscules, mais les terres de labours sont parfois très vastes : le grand champ d'un seul tenant étant, ici comme ailleurs, la marque distinctive de la propriété seigneuriale.

 

 

La taille de la parcelle ne suffit pas pour se faire une idée de ce que peuvent représenter ces terres, il faut aussi prendre en compte leurs « valeurs ». Celle-ci est établie à partir d'un classement (ici sur 5 degrés), qui tient autant compte de la position du terrain, des servitudes et des charges qui pèsent sur lui que des qualités intrinsèques du sol ; ces classements sont établis par des « estimeurs » et arpenteurs experts, sous contrôle de la communauté d'habitants, et avec avis des propriétaires concernés. La séterée utilisée vaut 0,972 ha selon la mesure de Montregard, la valeur est établie en livres « de compoix » sans rapport avec l'unité monétaire du même nom.

Dans l'ensemble, les parcelles du seigneur de Marcoux se répartissent de façon assez équilibrée de part et d'autre des valeurs moyennes, mais si l'on tient compte des surfaces représentées, on arrive à des pourcentages légèrement différents :

.

 

Parmi les bonnes terres (1er et 2ème degrés), on note donc que le 2ème degrés l'emporte nettement en surface, et parmi les mauvaises (4ème et 5ème ) les surfaces sont nettement plus limitées que le nombre de parcelles ne le laissait penser. Le niveau moyen pesant plus lourd en superficie, on a donc un ensemble légèrement décalé vers le haut de l'échelle en ce qui concerne les surfaces : 62% aux 2ème et 3ème degrés pour seulement 48% du nombre de parcelles.

La "valeur" moyenne s'établit à presque 2 livres (1 livre 18 sols) par séterée. Variant de 3 livres pour la séterée de terre du 1er degrés à 16 sols au 4ème degrés (niveaux proches des valeurs des pâturages), la valeur monte jusqu'à 5 livres 10 sols au 1er degrés de prés. Les près constituent le fleuron de toute grande exploitation, faisant l'objet de soins particuliers, ils sont d'un rapport élevé : à qualités et surfaces égales, un pré est "allivré" à environ 50% de plus qu'une terre de culture. Le résultat est que tous les ensembles de parcelles (c'est-à-dire regroupées en un même lieu-dit), comprenant une forte proportion de terres d'élevage, ont des valeurs au moins égales à la moyenne de 2 livres par séterée et pour beaucoup très supérieures : le pré de "Sous Lhort" est évalué à 5 livres 10 sols la séterée et les terres "récentes" au sud de Marcoux se situent entre 2,1 et 3,2 livres. En revanche, beaucoup de terres de culture se limitent à une fourchette de 1 à 1,5 livres par séterée, seules les petites parcelles de culture à proximité immédiate de la grange de Meynard arrivent à se hisser à un niveau élevé (4,25 livres), du fait qu'un morceau relève du classement des « jardins », dont les allivrements à l'hectare sont toujours beaucoup plus élevés que ceux des autres catégories (presque 6 livres la séterée dans ce cas).

Il est assez difficile d'établir une corrélation forte entre taille et « valeur » des parcelles, tout au plus peut-on constater que les grandes parcelles (supérieures à 150 ares) sont très rarement de médiocre qualité : aucune des 17 recensées ne se trouve au 5ème degrés et seulement 3 au 4ème. À l'inverse, les parcelles moyennes (50-150 ares) sont tirées vers le bas : 8 « mauvaises » pour seulement 4 « bonnes » sur 19, à cause des terres de labours très médiocres dans ce groupe. Les petites (moins de 50 ares) associent beaucoup de bonnes terres et beaucoup de mauvaises, respectivement 15 et 14 sur 37. En l'absence d'éléments de comparaison locaux, il est difficile de dire si les seigneurs de Marcoux étaient plus ou moins bien lotis que leurs voisins ; par rapport au domaine du Poux déjà cité (étudié pour 1642 et faisant lui aussi 80 ha), on note des répartitions en degrés de qualité globalement assez voisines avec cependant une situation légèrement meilleure pour les herbages et un peu moins satisfaisante pour les champs.

Ce dernier constat éclaire donc la politique foncière de renforcement de l'élevage dans la seigneurie, notamment avec les acquisitions autour de Marcoux (8 parcelles d'herbage pour 3 de terres et bois). Le fait que le fils de Jean de Lhermuzières décide, en 1633, de louer au seigneur de Montregard le pré de "Sous Lhort" (60 ares de 1ère catégorie), ne remet pas en cause cette priorité, et s'explique sans doute par l'installation du seigneur loin de Marcoux et par le fait que la location à l'unité de terres de qualité est souvent plus lucrative que l'affermage en bloc d'un domaine ; pour le seigneur de Montregard (Louis de Banne), il s'agit de renforcer son domaine sis à l'ouest de Montregard que l'échange de 1578 avait contribué à créer. La continuité des politiques foncières des deux familles est évidente.

 

Il va sans dire que, le plus souvent, tous ces biens sont dispersés sur plusieurs kilomètres et imbriquées avec ceux d'autres propriétaires. Cependant, la plus grande partie (16 sur les 19 ensembles décrits) se situent le long de chemins assez "importants", certaines terres sont même bordées sur deux voir trois côtés à la fois, ce qui les rend facilement accessibles ; de plus, leur relative dispersion s'ordonne en trois grands blocs.

Avec 47% des surfaces et un peu plus des valeurs (52%), le premier bloc se situe au nord-ouest de Marcoux et comporte 8 des 19 éléments de la liste (32 parcelles), dont la majorité figurait déjà dans le terrier de 1556. Il entoure Montregard et est centré sur la grange de Meynard-Merlat. Le nom de Meynard (ou &endash;t) n'apparaît qu'en 1606 dans nos sources mais il est sans doute depuis plus longtemps dans le patrimoine des seigneurs de Marcoux. Meynard est associé, au milieu du XVe siècle, à la famille des Chazelet de la Chapelle d'Aurec (Pons de Chazelet épouse Marguerite de Meynard, héritière de Pierre de Meynard, son arrière-petit-fils Jacques est appelé de Chazelet-Meynard lors de son mariage en 1493), or un testament, non daté, d'un certain Louis de Chazelet, portant sur "l'alleu de Meynard", était conservé par les seigneurs de Marcoux. Quoi qu'il en soit, un contrat de fermage de 1606 indique clairement l'association avec Merlat malgré la différence de statut juridique entre les deux domaines : Meynard "roturier" et Merlat "noble"(qui ne figure donc pas dans ce cadastre). Ce bloc nord-ouest se caractérise par une proportion de terres d'élevage plus forte que la moyenne (41%). Une grosse moitié de ce bloc se regroupe au sud de la ville, le long du chemin menant à Marcoux, au lieu des "Sagnes" (où se trouvent deux des biens cités en 1556) ; or cet ensemble est limité au sud par des terres et prés appartenant à la "Damoiselle de Mercoux", le tout constitue donc l'élément foncier majeur de cette seigneurie de Marcoux, malgré le relatif éloignement de 2 à 3 kilomètres. C'est ce bloc que Gaspard de Lhermuzières va peu à peu céder ou louer à partir de 1633, le cas le plus étonnant étant la cession du domaine noble de Merlat à Jean Baud de Mercoux en 1636, sans que l'on sache la contrepartie de ce « cadeau » (du reste remis en question par des héritiers de Gaspard). Le compoix de 1731 cite les biens du seigneur de Marcoux « à Pailhec appellés de Meynard » et les taxe à 55 livres 10 sols 4 deniers, alors qu'en 1713 ce « domaine de Paihlec » l'était à 70 livres 2 deniers, entre les deux dates la taille a enregistré une baisse générale dans le mandement de Montregard). Au milieu du XVIIIe siècle, Meynard est vendu 8 400 livres à Simon Maurin ; Merlat 10 830, en 1797.

Le deuxième bloc (6 éléments pour 27 parcelles) se situe au nord et nord-est de Marcoux, notamment sur le terroir de Celle, plus près du château (au plus 1,5 km). C'est un ensemble absent du terrier de 1556, peut-être s'agit-il d'acquisitions de Jean «Astier» évoquées précédemment ? Essentiellement formé de terres cultivées (83%), ce groupe ne représente que 23% de la valeur pour 33% de la surface des biens enregistrés ; la facilité d'accès ne peut pas compenser la moindre qualité de ces terres (une seule atteint la moyenne de 2 livres par séterée). Pourtant les seigneurs de Marcoux s'attachent à étendre ce bloc par des échanges et achats (en 1612 l'un d'eux porte sur un pré et une pâture), ce qui donne plus de cohérence au noyau central de la seigneurie, en effet beaucoup de « biens nobles » des Marcoux se situent dans cette zone. En 1688, le compoix parle des « acquisitions de la Celle », au côté de celles de Pailhec, et taxe le total à près de 90 livres ; celui de 1713 sépare les deux ensembles de terres inscrivant les « acquis de Celle » pour la somme de 88 livres 6 deniers et de 74 livres 2 sols 8 deniers en 1731, soit environ 55% du total imposable. Un siècle après le document de 1612, on voit que le rapport des valeurs de ces deux premiers blocs semble inversé, à moins que les compoix de 1688, 1713 et 1731 n'incluent dans ce bloc le suivant, qui sans cela ne figureraient nulle part. Dans ce cas, le toponyme de « Celle » serait largement abusif pour un bloc de terres beaucoup plus au sud.

Le troisième groupe (5 éléments pour 14 parcelles) se positionne au sud de Marcoux et se concentre surtout sur le tènement de Romanet, obtenu en 1578 et agrandi par la suite, il constitue, à lui seul, la moitié des 20% de biens situés là. Il s'agit pour l'essentiel de terres d'élevage (62%), ce qui explique que l'ensemble représente 25% des valeurs. C'est également là qu'on trouve indiquée la présence de forêts (de peu de valeur : 0,98 livres !).

 

A la fin du XVIIème, suite au travail de l'expert chargé de la mise à jour du terrier d'Hector Henri de Colomb (co-seigneur de Montregard), le lointain héritier de Jean de Lhermuzières a rajouté, au bas du document, trois terres pour lesquelles le seigneur de Marcoux doit payer un sens recognitif au seigneur de Montregard : il s'agit d'un ancien pâturage en genêts devenu un tènement de bois de presque 4 ha, d'un pré de 4 ha et de terres labourées de 1,7 ha et une « particule » de pâturage en genêts ; pour ces terres le seigneur de Marcoux doit 11 deniers en argent et 6 boisseaux 1 carte et demi de seigle et 4 cartes d'avoine ( redevances très symboliques). Ces terres ont été acquises auprès d'agriculteurs des environs (dont une veuve) et semblent aussi inclure les biens acquis par Fleuri de Baud et conservés par Jean de Lhermuzières en 1629, après échange avec Aymar de Baud ; elles se situent dans la zone proche du château (au sud notamment), confirmant donc la politique de rassemblement autour du siège de la seigneurie et la constance de l'intérêt pour l'élevage. Vers 1612, l'ensemble connu (terres roturières plus Merlat, plus les terres nobles vers Marcoux que l'on ne peut que vaguement situer) est d'à peu près 120 hectares, l'aliénation de Merlat en 1636 fait retomber ce total à environ 80 ha.

 

Dans l'ensemble, les terres des seigneurs de Mercoux constituent donc un des éléments importants de la structure foncière entre Montregard et le Mas-de-Tence, ceci malgré la discrétion d'un château situé un peu à l'écart des principaux chemins de la région. Cette discrétion explique peut-être son absence des chroniques consacrées aux guerres de religion et civiles de la fin du XVIème siècle, malgré l'implication directe d'au moins un des occupants du lieu (F.de Baud), et même si le changement « politique » intervenu en 1592 peut signifier un certaine intérêt des camps en présence pour cette maison forte, assez proche du grand chemin de Tence à St Bonnet-le-Froid.

Les évolutions enregistrées depuis 1556, et poursuivies quelque soit le propriétaire, indiquent la volonté de regrouper les biens de la seigneurie au plus près du château (et du moulin), même au prix de quelques sacrifices économiques et de l'abandon de terres ayant constitué le noyau initial du fief des Mercoux au début du XVIème siècle près de Montregard.

Cette prise de distance, très relative, par rapport au siège du pouvoir local n'empêche par les hôtes de Marcoux d'y affirmer leur présence, plus particulièrement en l'église de Pailhec où Jean de Lhermuzières semble avoir été le fondateur de la "chapelle de Mercoux" (de son vrai nom « Notre Dame »). L'existence de cette chapelle est attestée au moins depuis 1626 (visite de l'évêque du Puy). Jean de Lhermuzières s'y est fait enterrer le 5 février 1633, par la suite son fils puis son petit-fils ont fait des dons importants (le testament de Bernardin en 1657 accorde 100 livres pour la réparation et l'ornement de la chapelle de Mercoux). Leur rayonnement ne se limite pas à Montregard mais semble aussi concerner Montfaucon.

 

Les Lhermuzières restent propriétaires du domaine et du château sans interruption jusqu'en 1763 (l'année 1673, dans l'ouvrage récent sur les "Châteaux de Haute-Loire", est une coquille), puis à nouveau de 1805 à 1808.

 

SUITE : L'EPOQUE DES SEIGNEURS « FORAINS » (1633-1812)