Louise de Romezin

 

 

Les parents de Louise sont Louis Daniel de Romezin, seigneur des Mazeaux, et Marguerite Isabeau de Cellier (domaine à l'ouest du Chambon, d'une bonne famille de soldats protestants) ; c'est son arrière-grand-père, Antoine (de) Romezin, notaire au Chambon, qui s'était converti au protestantisme dès 1559 ("pour s'emparer plus facilement des biens du prieuré" selon une version « catholique », cf. M. Brioude, p.62). Tous les Romezin n'étaient pas protestants.

 

Louise est peut-être née en 1619 au Chambon. La date est incertaine car elle repose sur le témoignage fait en octobre 1702 par Louise de Romezin en vue de la béatification de Jean-François Régis. Elle déclare avoir alors 83 ans, mais par la suite elle dit avoir eu 22 ans lors de sa rencontre avec Régis, chose impossible puisque Régis est mort en décembre 1640. Il faut donc soit la faire naître plus tôt (certains allant jusqu'à 1616), soit lui faire rencontrer Régis plus tôt (20 ou 21 ans selon les auteurs, c'est à dire en 1639 ou 1640).

 

Vers l'âge de 18 ans (pour une naissance en 1619), Louise fait la connaissance d'Etienne de la Franchière ; cet "homme de la Maison" du marquis de Saint-Priest habite au château de Marcoux, pas très loin des Mazeaux de Tence. Le 8 février 1638, elle l'épouse. Il semble que peu de temps auparavant son père soit mort (c'est Etienne de la Franchière qui règle l'impôt dû par Louis de Romezin pour l'année 1637).

Etienne est le fils d'André de la Franchière (mort en 1633) et de Geneviève de Verdier. Les mariages mixtes ne posant pas de problèmes particuliers à la noblesse locale, Etienne n'a pas eu besoin de se convertir au protestantisme en vue de ce mariage (1) ; ses ascendants et collatéraux ont tous prouvé leur attachement à la cause catholique lors des guerres de religion mais aussi à la cause royaliste lors de la Ligue (2).

Largement possessionné dans la région de St André-en-Vivarais et de Riotord, Etienne avait pris en gérance, depuis janvier 1635, le domaine et château de Marcoux appartenant à Gaspard de Lhermuzières. C'est là que Louise donne naissance à un fils prénommé Louis vers le milieu de février 1639 (il a 4 mois et demi le 9 juillet). La mort d'Etienne de la Franchière survient à Saint-Etienne le 7 juillet 1639 pour une raison inconnue, il est immédiatement enterré à St Priest. Louise de Romezin garde (temporairement) l'entretien de Marcoux, son protestantisme ne fait alors aucun doute. Le témoignage du lieutenant du mandement de Montregard venu faire l'inventaire après décès est formel : non seulement celui-ci "lui faict prester le serment la main levée en haut suivant la forme de ceulx de la religion prethendue reformée ce qu'elle a offert de faire à l'instant"(3), mais encore il constate que son fils n'est toujours pas baptisé dans l'église catholique. En août 1639 son beau-frère Melchior de la Franchière obtient la tutelle de Louis. Par la suite elle va peut-être vivre au Chambon auprès de ses parents, cependant son témoignage de 1702 présente quelques contradictions sur ce point : elle déclare successivement avoir appris la mort de Jean François Régis dans sa famille au Chambon puis chez elle, à Montregard, cette dernière citation peut aussi bien faire allusion à Marcoux qu'à un autre « point de chute » dans la ville.

 

Fin 1639 ou début 1640, Louise de Romezin est convertie au catholicisme par Jean-François Régis lors d'entretiens se déroulant soit à Marcoux soit chez des amies catholiques, la sociabilité locale ne s'embarrassant pas des clivages religieux ; pendant à peu près cinq mois elle cache ceci à sa famille tout en étant instruite par le jésuite, notamment sur la pratique du rosaire, et en participant clandestinement au culte catholique dans diverses églises des environs. Vers septembre ou début octobre 1640, elle l'annonce officiellement et suit Régis dans sa mission à Montfaucon, Raucoules et La Louvesc.

Après la mort de Régis, fin décembre 1640, elle vient se recueillir sur son tombeau et, sous le coup de l'émotion, émet le souhait de s'installer sur place à La Louvesc. Elle ne peut donner suite à ce vœu car elle n'est toujours pas majeure, c'est du moins la raison qu'elle invoque en 1702.

 

Le 7 mai 1641, Annet de Banne de Boissy épouse Louise de Romezin. Leur rencontre date peut-être de 1640 par l'entremise de J-F Régis ou même est-elle antérieure, car des liens étroits existaient entre les de Banne et les de La Franchière (cf. page sur les propriétaires du château). Peut-être faut-il voir dans les « affaires de sa famille », qu'elle doit régler à Montregard, quelques jours avant la mort de Régis, un lien avec ce mariage. Elle va alors vivre dans cette ville.

Louise a eu de ce second mariage quatre fils : Antoine, Louis, Annet et Jacques ; ainsi que deux filles : Anne et Jeanne.

 

Louise se retrouve veuve pour la seconde fois en 1665. Elle va alors passer quelques années avec son fils Antoine au "manoir de Banne" du Chambon, propriété de Louise de Romezin. A partir de 1687, elle va vivre chez Jeanne dont elle a fait l'héritière de tous les biens lui restant, par son testament du 17 mai 1687 ; celui-ci prévoit quelques legs pieux assez limités (10 messes pour le repos de son âme et 4 setiers de blé aux pauvres le jour de son enterrement et pour l'anniversaire de celui-ci). Elle vit au château de Chazelet, paroisse de la Chapelle d'Aurec, récemment acheté (1686) par son gendre Claude de Chave et continue de régler les diverses questions liées à son premier mariage et à ses relations financières avec son fils aîné, Louis de la Franchière (notamment par une transaction en 1693 qui garantit le paiement des 1 800 livres d'augment de dot sur divers biens du domaine des Ruches). Elle mène une vie religieuse active, se confessant au moins toutes les semaines au curé de La Chapelle ou aux pères capucins de passage, elle communie et va à la messe tout aussi souvent ; elle semble vouer un culte plus particulier à Marie et réciter le rosaire avec assiduité (4). C'est de Chazelet qu'elle va témoigner à Monistrol, en octobre 1702, pour la béatification de Jean-François Régis (5) et c'est là qu'elle meurt le 20 ou 21 mars 1705. Dans son testament de 1687 elle avait élu "sépulture pour son corps au cimetière et église du Chambon" et c'est sans doute là qu'elle fut enterrée.

 

 

Notes :

1. A sa mort, le marquis de St Priest, bon catholique, le fait inhumer dans son église sans hésiter.

2. En 1574, un La Franchière mène une troupe de 80 soldats au siège du château de Beaudiné tenu par les protestants tandis qu'en 1583 il fonde une chapelle à Montregard et en 1591 est chargé (le même ou son fils) de saisir les biens du prieur ligueur de Rochepaule. En 1622 Jean de la Franchière fait un don au curé Pierre Changea, en vue d'une messe annuelle pour son âme.

3. Voir l'inventaire de ses biens établi par Pierre Bollon, lieutenant du mandement de Montregard, le 9 juillet 1639 à Marcoux.

4. La tradition dit que la vierge qui se trouve dans le sanctuaire de Notre-Dame de Tout-Pouvoir aurait été offerte par Louise de Romezin.

5. Voir texte de sa déposition.