Les familles ayant vécu à Marcoux

 

Les DE LA FRANCHIERE

 

Cette famille noble se divise en deux branches vers 1560-70 : l'aînée est celle des seigneurs de Girodon (au nord de Montregard) et de St Julien-Molhesabate, la cadette celle des seigneurs du Cros (l'actuel Cros de Franc, dit aussi « Cros de la Franchière » dans les notes du curé Reboul d'Yssingeaux en 1598) et de Fraisse (à l'est de Riotord).

 

Le terrier de Montregard de 1556 cite « André Lafranchière de Girodon ». La seigneurie de Girodon semble avoir été tenue en franc-fief avec "rente noble et féodale" sur les villages du Monteil, des Vallas, du Play et Faugères avec tous les droits de justice, détachés de la seigneurie de Montregard. L'héritier de Girodon est Jean I de la Franchière qui est cité dès les années 1570 dans quelques transactions et fonde une chapelle dans l'église de Montregard le 13 juin 1583 (où il fait dire chaque semaine une messe basse ou une messe de l'office de Notre Dame du St Esprit ou une messe de l'office des Trépassés), il a épousé Crespine du Vergier et semble être mort au début des années 1590. Homme de guerre du parti catholique, il est cité comme ayant mené 60 à 80 soldats au siège de Beaudiné tenu par les protestants en 1574 (il reçoit pour ce fait 100 livres des Etats du Velay). On retrouve un "Jean de La Franchière, sieur de la Franchière" sur les listes des « capitaines » des garnisons du roi en Velay sous les ordres de François de Chaste, baron de La Brosse et gouverneur pour le roi du Velay : d'abord à Montregard en juin 1589 avec seulement 3 hommes à pieds puis en février 1590 avec 6 arquebusiers sans résidence fixe, en août 1589 il reçoit 20 écus pour avoir porté deux messages du gouverneur du Velay à son collègue le gouverneur du Vivarais (demandant l'envoi de deux pièces d'artillerie déposées au château de Devesset, mission non couronnée de succès), en juin 1590 il est envoyé auprès du duc de Montmorency pour lui demander son avis sur un projet d'accord entre de Chaste et St Vidal sur Espaly (il reçoit 50 écus), en novembre 1590 il est informé par de Chaste des mouvements de St Vidal dans la région et en juillet 1591 le même Jean de la Franchière, alors qualifié de « sieur de Giroudon », figure parmi les quatre hommes de confiance chargés par le gouverneur du Velay de saisir les biens du prieuré de Rochepaule rallié à la Ligue contre le roi, on trouve à ses côtés le notaire Pons Pinot (futur époux de Marguerite de Lhermuzières) ; l'apogée de cet engagement semble atteint en décembre 1591, lorsque le gouverneur de Chaste transforme le petit château de Girodon en «place forte », abritant une troupe de 40 hommes sous les ordres du « capitaine Jean de la Franchière » pour rassurer les partisans du roi dans la région, après la prise de Montfaucon et St Didier par le duc de Nemours. A noter qu'un certain « Claude Giraudon, sieur de Montregard », est cité comme ayant reçu 300 écus le 17 avril 1589 pour recruter trois compagnies en Forez et les amener en Velay ; le prénom et le titre posent problème, s'agit-il d'un frère de Jean I ou d'une erreur du comptable des Etats du Velay ?

Jean I a eu un fils, Jean II, marié à Catherine de Lhermuzières, et deux filles : Marguerite (décédée en 1643), qui épouse en 1587 Antoine Desolmes marchand à Montfaucon (mort en 1634) et Blanche mariée à Jacques du Périer (dont le fils Guillaume est qualifié en 1619 de "seigneur du Mas Boyer", au nord d'Yssingeaux).

Jean II de la Franchière est seigneur de Saint-Julien, de Girodon (dont il a étendu le domaine par divers achats en 1616-1617) et brièvement co-seigneur de Montregard (un quart de seigneurie acheté pour 7.300 livres en juin 1630 et revendu 8 mois plus tard en 1631 à Louis de Banne).

Son fils aîné, Gilles de la Franchière, hérite des domaines de Girodon et St Julien auxquels il ajoute celui de Largier vers St Julien et enfin celui de Bobinieux que lui a apporté son mariage avec Antoinette de Giraud, dame de Maison Claire (près de La Louvesc). La fille de Jean II, Blanche, épouse en 1651 Thomas de Véron, seigneur de Souvinhet et habitant à Fanget (St Bonnet-le-Froid), elle meurt en 1712. La taille payée par ses héritiers pour le domaine de Girodon est une des plus élevées du mandement (98 livres en 1688, 170 en 1713).

Le fils de Gilles, Jean III, habite à Chomaise (paroisse des Préaux en Vivarais), tandis que sa fille Isabeau est religieuse à Bellecombe et que Antoinette épouse en 1670 Louis Deschamps, seigneur de Vaures et de Pierregrosse à St Alban d'Ay (à noter que ce Louis Deschamps est l'arrière petit-neveu de Catherine de Largier de Chaillans, épouse de Jean 'Astier' de Mercoux, cf. plus loin).

L'histoire de cette branche aînée semble s'achever avec la vente du domaine de Girodon, pour 14 000 livres, par l'héritier d'Antoinette de la Franchière en 1719. Ange de la Planche est cité comme successeur des La Franchière à Girodon (taille de 142 livres) en 1731.

 

La branche cadette est issue d'un second fils d'André Lafranchière prénommé aussi André, seigneur du Cros (paroisse de Montregard), cité dans un document de 1570. Un document judiciaire de 1627 l'évoque comme "André Franc dit de La Franchière", tandis qu'un autre le surnomme "le Cadet du Cros". Il s'est marié deux fois : d'abord avec Catherine Couble (vers la fin des années 1570), qui lui a peut-être apporté le domaine du Cros dont elle est originaire, et qui décède vers 1600 sans enfant, puis avec Geneviève du Verdier (épousée le 14 juin 1609). Participant, comme son père (et son frère), à la guerre civile, il est blessé lors du siège d'Espaly qu'il défend pour le compte du roi, aux côtés d'un capitaine corse et du gouverneur d'Uzes, contre St Vidal et le marquis d'Urfé (juin 1590). Il s'occupe tout aussi activement d'étendre sa fortune par des échanges et transactions, et en faisant fructifier au mieux les biens tenus de son épouse. Sur ses possessions au Cros, on a peu d'informations en dehors de quelques quittances et d'une note du curé Reboul d'Yssingeaux qui écrit que « dans la paroisse de Montregard la tempête emporta le couvert de la grange du Cros de la Franchière et rompit la charpente et emporta tout » (le 19 juillet 1598). Il possède aussi l'importante métairie de Fraisse (à l'est de Riotord) consacrée notamment à l'élevage (bovins et moutons), celle plus modeste de « Berrier » (St Julien-Molhesabate) et une plus récente aux Ruches (au sud du Cros, dépendant de Saint-André-en-Vivarais), ainsi que des terres aux Maisonnettes (citées dès 1579 dans diverses transactions de sa première femme) et à Changala (la liève de 1612 le taxe en ce lieu). Vers 1633 il paye une "taille" de 21 livres 13 sols pour Fraisse, de 15 livres 8 sols pour le Berrier et de 10 livres 2 sols pour les Ruches. Son activité économique ne se limite pas à la gestion de ses biens, en 1590 il afferme, avec des associés, la collecte des dîmes de la paroisse de Tence relevant du collège jésuite de Lyon, sa part étant fixée au prix de 30 écus (60 livres) à payer "en pinatelles bonnes et recevables".

Ses héritiers sont Melchior, Etienne (marié en 1638) et Marguerite (épousant M.Besson en 1631), ces enfants nés du second mariage, tardivement donc, perturbent quelque peu l'harmonieux agencement des générations sur les arbres généalogiques, en fait ils sautent allègrement une génération. André meurt en 1633 (entre avril et novembre) à un âge très avancé.

 

Etienne, seigneur du Cros (lui aussi qualifié de « cadet du Cros »), s'installe à Marcoux en 1635 et épouse en février 1638 la protestante Louise de Romezin, la différence de confession ne semble pas jouer un grand rôle à l'époque (il y a d'autres exemples locaux de ce genre de mariage mixte : comme Daniel Du Ranc de Joux protestant épousant Lucrèce de la Planche bonne catholique, le père de Daniel ayant fait de même vers 1590).

Cet "Homme de la maison" du marquis de St Priest exerce le métier des armes, comme en témoigne la présence au château de Marcoux de cinq arquebuses, un pistolet, un mousquet et une cuirasse, plus une arbalète. Mais il est aussi devenu un "entrepreneur agricole" avisé et actif. A partir de 1633, il prend le contrôle des domaines de Fraisse, de « Berrier » et des Ruches. Ce dernier domaine se compose d'une vingtaine de parcelles de terres, bois, pâturages et jardins au sud-est de Marcoux (notamment le long des "grands chemins" de St Bonnet à Tence et de Dunières à St Agrève) ; Etienne l'a fortement étendu et sa prise en location du domaine et moulin de Marcoux en janvier 1635 se situe dans la même logique. Gestionnaire sérieux, il tient un "journal", dont il n'a cependant rempli que 17 des 85 pages prévues, et conserve avec soin tous les documents se rapportant de près ou de loin aux biens qu'il possède (plus de 200 actes dans un grand coffre au château de Marcoux). En 1638 il paye une "taille" de plus de 30 livres pour Fraisse (somme semblable à celle du domaine de Marcoux), plus de 19 livres pour « Berrier » et près de 20 livres pour les Ruches ; ce total d'à peu près 70 livres (contre 47 pour son père) le place au-dessus de son beau-père, le notaire du Chambon sur Lignon Louis de Romezin, imposé à 64 livres en 1637.

Etienne devait partir le 22 juillet 1639 (départ initialement prévu pour le 1er juin) pour rejoindre l'armée du roi en Roussillon. Convoqué avec l'arrière-ban du Velay, au sein d'une compagnie de mousquetaires à cheval, il figure dans le groupe d'une cinquantaine de nobles ayant un revenu de moins de 600 livres (la dizaine de nobles gagnant plus de 600 livres intégrant la compagnie du Sénéchal de Chaste) ; sa mort subite survient le 7 juillet à Saint-Etienne (le 4 juillet il signait encore, à Marcoux, un contrat avec un de ses paysans des environs de St Julien). Il est inhumé, sur ordre de son protecteur, en l'église de Saint-Priest. Il laisse une jeune veuve toujours protestante et un fils, Louis, né en février 1639 et non encore baptisé (l'influence de la mère semblant pour beaucoup dans ce choix). La tutelle légale de Louis va être attribuée à son oncle Melchior en août 1639 ; sa mère se convertissant en 1640, Louis de la Franchière sera donc finalement catholique et élevé auprès de son beau-père Annet de Banne de Boissy, épousé en 1641 par Louise de Romezin.

 

Melchior, frère d'Etienne, a épousé Françoise Maisonnial (décédée en 1641) puis Antoinette de Chave ; il meurt en 1666 en laissant deux fils, André et Blaise (décédé en 1668), et une fille Madeleine qui épouse Jean Collonge de la Fayolle en 1668. Un partage avait eu lieu entre lui et son frère Etienne en octobre 1633 : ayant pris sa part des meubles dans la maison du Cros, il a aussi récupéré certains biens, notamment à Changala et aux Maisonnettes. De sorte qu'à partir de 1635 les deux frères exercent leur influence économique sur tout l'espace allant de Marcoux au domaine des Ruches. Cependant dès 1638, Melchior cède l'essentiel à Aymard de Baud : une maison, une grange et les "droits de chazal" situés au Maisonnettes puis un "pâtural et une terre" à Changala ; sa veuve vend d'autres terres vers les Maisonnettes à Imbert de Baud en 1670. Ses héritiers sont encore taxés à Changala pour la somme de 25 livres en 1713 et 21 en 1731.

 

Le fils d'Etienne, Louis, est seigneur de Fraisse (celui de Riotord et non celui du Chambon comme l'indique certaines sources). Il garde des relations constantes avec les autres enfants de sa mère, les de Banne de Boissy : ainsi est-il le parrain d'un enfant de son demi-frère Antoine de Banne en 1682, demi-frère en faveur duquel il teste en 1694 et qui hérite en 1717. On peut suivre ces relations jusqu'en 1709 lorsque, quatre ans après la mort de Louise de Romezin, un procès qui l'oppose aux de Banne est finalement résolu à l'amiable, sans doute est-il mort en 1717 (à plus de 78 ans) sans héritier direct. Il est aussi lié avec les Romezin du Chambon où il vit : son oncle Jacques, conseiller auprès de la sénéchaussée de Nîmes, lui vend 853 livres la justice moyenne et basse du Chambon au nom du prieur du lieu (son fils François de Romezin), cette vente donne lieu à procès avec un autre acheteur (François du Pont, comte de Vallon) qui s'était entendu avec le seigneur laïc du Chambon (1672).

Louis a hérité des domaines de son père et semble avoir aussi récupéré certains biens venus de sa mère. De nombreuses transactions, assorties de procès et d'accords amiables, émaillent les relations financières entre Louis, sa mère et ses demi-frères et demi-sœurs. Cela concerne aussi bien le domaine des Ruches hérité de son père que d'autres autour du Chambon venus du côté Romezin. Dès 1672 il vend à son frère Louis de Banne un des biens du domaine des Ruches, dont une estimation est réalisée à la demande de Louis de Banne et se monte à 5 565 livres, puis il doit concéder les revenus de plusieurs autres terres pour payer l'augment de dot de 1 500 livres promis par Etienne en 1638 et des arrérages de 300 livres, il s'agit de la moitié du domaine (la cession ne porte que sur les revenus non sur la propriété elle-même). Il passe, en 1688, une transaction avec sa mère sur les domaines de Verne (dont il cède une partie à sa demi-sœur Anne : maison, grange, étable, courtil, pré et terres) et de la Bastie (précédemment donné à un autre fils de Louise de Romezin, Jacques de Banne, sans doute décédé) situés dans les environs du Chambon ; il semble aussi posséder le domaine de Cellier pour lequel un bail d'arrentement de 1692 fixe un loyer de plus de 102 livres plus 80 livres de fromage, 40 de beurre, 10 setiers de seigle et 12 d'avoine ainsi qu'un chapon, de plus le granger doit verser 60 livres à Louise de Romezin ; il détient aussi une partie du domaine de Sarzier : maison et bois, cités lors d'une transaction en 1693, ce domaine appartenant pour le reste à un autre fils de Louise (en 1705 il ne garde que le quart du revenu, le reste étant « baillé à titre d'hypothèque » à Louis de Banne). La fréquence des transactions portant sur le fameux augment de dot de 1500 livres montre que les relations financières entre les demi-frères et demi-sœurs n'ont pas été très faciles : en 1709-1710 le procès qui oppose Louis de La Franchière à ceux-ci porte encore sur le non paiement de cette somme ! Mais cela n'empêche pas Louis de choisi son demi-frère comme son 'procureur'en 1705 et Claude de Chave comme 'délégué' pour faire payer ses fermiers (l'action est poursuivi en 1720 par son héritier Antoine).

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